Lettre à Joséphine
Ma Chère,
Comme vous avez tardé à venir, j'ai eu vent de vos chimères, vous ne cessez
de m'agacer, quelle dépensière vous êtes, je ne cesse de renflouer les comptes
et vous m'en demandez encore, je vous aime tant que je le ferai vous le
savez bien, vous êtes mon oiseau charnel, mon étincelle vous qui volez de
cœur en cœur et souvent pour votre intérêt; vous avez sauvé notre couronne
je vous le concède, ma charmante.
Cependant, je ne pourrai attendre plus longtemps cet héritier que je vous demande
il en va de la survie de la couronne, à quoi serviraient toutes mes conquêtes, à
quoi serviraient toutes nos guerres ;
il me faut un héritier de sang, je vous le répète. Vous savez combien cela nous
rapprocherait. J'aime déjà vos deux enfants de ce précédent mariage avec
M.DE BEAUHARNAIS et voilà que vous me trompez avec ce M. CHARLES.
On me rapporte que vous l'aimez. J'en doute fort, je sais tout ce que vous me
donnez. Je sais vos manœuvres habiles, vous êtes plus grande qu'un guerrier
et pourtant vous demeurez si fragile, mon oiseau des îles, tous ces événements
vous ont tellement malmenée, comment pourrai je vous en vouloir, vous qui êtes cette femme libre
et courageuse, effrontée, vous ne m'obéissez donc jamais.
Je vous trompe également de mon côté, soyez en certaine et pour raison d'Etat,
si vous ne me donnez pas cet héritier, je vous quitterai pour une autre.
Vous me regardez et voilà que je deviens votre Chevalier servant.
Nos familles se disputent et nous éloigneront malgré la passion que je vous
dédie.
Mais sachez, mon oiseau des îles, que je ne vous oublierai jamais.
Votre Aigle
Mon empereur
Comment pourrai-je oublier toutes les étoiles que vous avez fait broder sur ma robe
vous savez que je suis ce fruit de la passion venant des îles, vous savez combien je
vous ai aimé.
Cet enfant, je vous l'ai donné, je l'ai perdu de maladie, et ne pourrai plus vous le
donner.
J'aime M. CHARLES assurément, cependant vous êtes toute ma vie, parce que
vous êtes ma grandeur, vous êtes tout ce que j'ai construit, vous savez bien que
je suis le cœur de votre Etat, vous savez bien que j'en suis l'éblouissement.
Vous serez toujours là pour moi, je le sais bien, vous me dites le contraire mais
je n'en crois rien.
Je suis ce prénom que vous m'avez donné,
n'oubliez pas que vous m'avez fait naitre.
Votre Joséphine.