MES MOTS DE PLUME

MES MOTS DE PLUME

L'école élémentaire

Dans les années 60, sous le régime gaullien, l'école élémentaire, élémentaire mon Cher Watson, nous allions à l'école en se tenant la main, nos mains toutes ensemble, après avoir pris un déjeuner copieux, le lait qui déborde sa peau crème, le lait qui déborde chaque matin, le lait qui déborde fatalement, inondant la gazinière, le boulanger affairé, une odeur de brioche pour les enfants, une odeur de chaussons aux pommes, chaque matin le même rituel, en rang, la cloche qui sonne ou le sifflet du maître à 8 heures pétantes, l'appel des noms.

Nous commencions la classe par un cours de politesse, d'instruction civique, debout, nous écoutions religieusement, attentivement. M. MOINEAU était un gentil maître, il était beau et doux, dans sa blouse grise, d'humeur toujours égale ; il remplissait nos cahiers d'exercices à l'encre bleue ; il se promenait inlassablement dans les allées, il habillait nos jours de toute sa douceur, il était si doux qu'il était invisible, il était presque invisible.

Nous ignorions la cantine, nos mamans étaient femmes au foyer, nous rentrions déjeuner à 11 h 30 puis nous reprenions les cours à 1 h 30, main dans la main, nos mains toujours ensemble, parfois riant, parfois courant, le chemin de l'école était nos jeux. A 16 h 00, nous rentrions, avec quelques exercices à faire, une récitation à apprendre par cœur, un peu de lecture. 16 h00, c'était l'heure des goûters, des jeux dans le jardin, les soirées devoirs, puis nous fermions nos yeux, un baiser sur le front, bien bordés.

Au bout de l'année, il a fallu quitter cet ange de douceur pour une maîtresse toute aussi douce et toute aussi souriante.

Au bout de l'année, il a fallu encore changer cette année tracée pour une autre maîtresse, Mademoiselle.

Mademoiselle aux lèvres rouge vermillon, je ne voyais que sa bouche, sa jupe blanche plissée et ses hauts talons claquants sur le carrelage. Mademoiselle et son sourire vache, Mademoiselle et son sourire éternel.

Je me souviens de Léa à genoux sur l'estrade, les coups de LAROUSSE sur la tête pour que le verbe rentre; je regarde l'épaisseur du LAROUSSE, et je calcule son poids: 3 kg, 3 kg oui, le verbe est certainement bien rentré; je pense à nos bavardages, au coin les mains croisées, aux interminables leçons qu'il fallait savoir par cœur, aux leçons de sciences naturelles, au pistil et aux fleurs devenues fruits.

Mademoiselle n'est jamais devenue Madame, elle est restée avec son sourire vermillon éternelle vache.

Mademoiselle était la porte d'entrée du collège, il fallait qu'elle soit vache pour cette nouvelle entrée dans la vie.

Nous étions ces fleurs devenues fruits au cœur vermillon, le verbe bien ancré dans la tête.

 

Au collège des filles, tout était gris, il fallait se lever plus tôt pour prendre le bus, le collège étant situé à 4 kms; La bâtisse attenante au château était d'époque, austère.

Tout était gris, tout était triste, aussi triste qu'un ciel de pluie; nos blouses étaient grises, celles des professeurs encore plus grises; et cette rigueur dépeignait le ciel, nos attentes dans la cour de récré,

nos files interminables, nous étions des enfants sages en rang, bien rangés comme nos crayons et nos répondions à l'appel sans jamais manquer un seul cours.

Mademoiselle la colonelle nous enseignait les maths, Mademoiselle la Colonelle n'est jamais devenue Madame, elle souriait, elle avait toujours le sourire, elle adorait se moquer de nous, de nos erreurs d'enfant inattentifs, elle adorait se moquer, c'était l'oiseau moqueur, mais elle souriait, elle avait toujours le sourire.

Mademoiselle Jeanne était notre professeur de Français, nous adorions nous moquer d'elle, parce qu'elle finissait ses phrases en dormant; Les rédactions meublaient les cours, pendant que nous rédigions, elle rêvait, à quoi pensait-elle ? Je n'ai jamais su. Chaque mot était pesé, elle nous parlait doucement, presque à voix basse, avec lenteur, je n'ai jamais entendu parler quelqu'un aussi lentement, aussi doucement, elle était ce doux rêve. Mademoiselle Jeanne n'est jamais devenue Madame.

Pour faire durer le supplice, je redoublais ma 5ème pour finir 1ère en 3ème.

Je collectionnais les colles, ces devoirs à rallonge; les devoirs me pesaient, il fallait tout apprendre par cœur, je récitais inlassablement les équations, les langues, les dates; les devoirs me pesaient, je rêvais d'une vie sans devoirs et j'avais l'impression que toute ma vie serait devoirs ; je pensais au temps qu'il me restait à étudier, je n'en voyais pas la fin, j'avais hâte que tout s'arrête. Je savais qu'il fallait tout savoir par cœur pour avoir de bonnes notes, j'apprenais tout par cœur mais personne ne s'occupait de mon cœur à moi.

J'aimais le cours de sport, qui me permettait de courir, de grimper à la corde, pour oublier tous ces devoirs.

La directrice du collège était un rayon de soleil, elle était notre maman sourire. Elle veillait sur nous avec bienveillance.

Nous n'avions pas de cantine ; nous nous rendions tous les midis chez la femme du pharmacien, dont la maison faisait office de cantine.

J'aimais particulièrement ce moment de la journée, j'aimais les allers et retours, ce chemin du déjeuner. Elle nous confectionnait de délicieux repas, généreusement, c'était des crèmes anglaises, des crèmes au chocolat, toutes sortes de mets délicieux. A la fin du repas, elle mettait son salon à notre disposition pour que nous puissions bavarder toutes ensemble ou terminer nos devoirs, elle fumait sa cigarette au bout d'un long fume cigarette noir et doré, j'aimais son sourire, j'aimais ce moment où elle fumait en souriant, elle prenait le temps de nous écouter, elle aimait nous écouter. Nous parlions de mode, de nos chanteurs préférés, elle nous écoutait, elle aimait nous écouter, elle était souriante aussi souriante que ses repas, c'était les années yéyé, les années couettes, et rubans.

C'était l'année des filles et des devoirs.

La 3ème achevée, le BEPC en poche, nous savions lire et compter, écrire sans faute d'orthographe,

nous étions parées pour le lycée, une autre vie de devoirs, une autre vie de chansons.

 



14/12/2020
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